Restera ? Restera pas ? Les marges de manœuvre sont étroites pour le président congolais.
Ce week-end, parallèlement à la sortie de la cheffe de la diplomatie, un communiqué du M23 a annoncé que ses troupes se retiraient de Walikale pour “favoriser des conditions propices aux initiatives de paix et à un dialogue politique”.
Le poids de l’Ouganda
La progression des troupes de Corneille Nangaa vers Kisangani démontre une fois de plus la faiblesse des troupes congolaises qui, sur cet axe, ne peuvent compter sur l’assistance des wazalendo, ce mouvement de “patriotes” essentiellement composé des milices criminelles, qui opèrent dans l’est du pays.
Cette avancée via Walikale démontre aussi le poids dans ce conflit de l’Ouganda. En effet, le M23 qui avait opéré une avancée significative sur un axe situé plus au nord, en direction de la province de l’Ituri, a abandonné cette piste, laissant le terrain aux troupes ougandaises, qui ont déployé ces dernières semaines de nouveaux bataillons dans cette région jouxtant leur frontière. Officiellement, il s’agit pour les troupes de l’UPDF (forces de défense du peuple ougandais) de lutter contre les terroristes islamistes ADF, mais aussi contre la milice congolaise du Codeco, coupable de multiples exactions et razzias mortelles dans les villages de la région. Il s’agit surtout pour l’Ouganda de constituer une zone tampon qui lui permet d’assurer sa sécurité et d’asseoir sa domination sur cette région riche en or (les exportations de ce métal précieux ont explosé ces dernières années en Ouganda) et sur ce que le porte-parole de l’armée ougandaise, Felix Kulayigye, a présenté lui-même fin janvier comme “le marché pour l’Ouganda”. “Ici, en Ituri, l’essentiel des transactions se fait en shilling ougandais”, explique ce dimanche un membre de la société civile de Bunia, le chef-lieu de la province. L’Ouganda veut aussi garantir la tranquillité du développement de l’exploitation de ses importantes réserves pétrolières (4e réserve du continent) avec les groupes français TotalEnergies et chinois CNOOC. Un projet qui porte sur un investissement de 10 milliards de dollars.
Enjeu pour Paris
La présence de cet important investissement de TotalEnergies explique aussi la sensibilité de Paris pour la région des Grands Lacs. La France, qui traverse des moments particulièrement contrariés sur le continent africain, entend peser de tout son poids pour stabiliser cette région et garantir les projets de son groupe pétrolier. La France veut aussi jouer un rôle dans la crise rwando-congolaise, ce qui pourrait lui permettre de favoriser le rôle de la Francophonie sur ce continent, surtout après le retrait, les 17 et 18 mars, des pays sahéliens (Niger, Burkina Faso et Mali) de cette organisation, qui a toujours joué un rôle diplomatique important en coulisses.
Emmanuel Macron a ainsi rencontré en fin de semaine dernière les représentants des Églises catholiques et protestantes congolaises qui tentent d’élaborer un scénario de sortie de crise pour leur pays. Paris a annoncé soutenir ce processus des Églises.
L’avenir de Tshisekedi ?
En coulisses, le président français, qui rejoint ainsi la position américaine et celle de la plupart des pays de la sous-région, prône le respect de la Constitution congolaise. En d’autres termes, tous sont favorables au maintien de Félix Tshisekedi à la tête de la RDC jusqu’à la fin de son mandat en 2028. Mais l’attachement souligné à la Constitution est aussi un message envoyé à Tshisekedi, qui doit renoncer à ses projets de modification de ce texte pour s’accrocher au pouvoir au-delà de son second mandat.
Dans les rangs du parti présidentiel congolais, on espère toujours prolonger le bail à la tête de l’État. La guerre avec le M23 pourrait notamment être un argument pour ne pas organiser les élections dans les délais constitutionnels.
Mais Félix Tshisekedi n’est plus pour l’instant en mesure de dicter le tempo. Sans la pression extérieure, il est incapable de résister à l’avancée des troupes antigouvernementales.
Le scénario privilégié par la plupart des pays africains mais aussi par la France et les États-Unis (La Belgique, avec ses positions clivantes ces dernières semaines, ne paraît plus réellement dans le jeu) consiste à engager des négociations pour imposer une reconfiguration du pouvoir. Félix Tshisekedi conserverait la présidence, mais devrait désigner un Premier ministre de l’opposition non armée, qui serait le véritable amiral du pays, flanqué de plusieurs ministres, qui pourraient notamment être issus, eux, de l’opposition armée. Une toute petite liste de noms circule. Des personnalités comme Muzito, Fayulu, Mukwege ou Matata en sont exclus.
L’objectif est triple : faire taire les armes, apaiser un pays essentiel pour la stabilité de tout un continent et préparer un futur scrutin enfin crédible.
Reste évidemment à voir comment évoluera la situation sur le terrain. La “bonne volonté” affichée par l’AFC/M23 quand il annonce son retrait de Walikale est évidemment conditionnée au silence des armes du côté du régime congolais. En cas de reprise des combats et de poursuite de la progression des rebelles vers Kisangani, mais aussi et surtout vers le Grand Katanga, ce projet volerait en éclat. Tshisekedi pourrait être définitivement démonétisé, tandis que le coordonnateur du M23 deviendrait le maître du jeu. Un scénario qui inquiète notamment l’Ouganda et l’Angola, deux partenaires qui entretiennent de très bonnes relations et qui craignent une perte de leur influence en cas de victoire militaire de l’AFC/M23.
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