EST DE LA RDC : KIGALI REFUSE LA MAIN TENDUE PAR FELIX TSHISEKEDI

Jeudi 9 octobre à Bruxelles, l’appel du président congolais à une « paix des braves » a reçu une fin de non-recevoir cinglante de la part de Kigali, qui a dénoncé une « comédie politique grotesque ». Un échange lors du Global Gateway Summit qui a mis en lumière l’échec d’un cadre d’intégration économique régional, dont la signature a été annulée quelques jours plus tôt à Washington. Par Vivien Latour

Bruxelles, 9 octobre 2025. Félix Tshisekedi salue Ursula von der Leyen après la signature d’accords de coopération. Une poignée de main symbolique, alors que les tensions entre la RDC et le Rwanda fragilisent les efforts de paix soutenus par l’Union européenne. © Virginia Mayo/AP/SIPA

C’est un spectacle d’une méfiance toujours plus profonde entre les deux voisins congolais et rwandais qui s’est tenu à Bruxelles, jeudi 9 octobre lors de l’ouverture du Global Gateway Summit de l’Union européenne. Profitant d’une tribune internationale et devant un parterre de dirigeants, Félix Tshisekedi s’est directement adressé à son homologue rwandais Paul Kagame, également présent. Le président congolais a appelé à une « paix des braves », conditionnée à un ordre de Kigali « aux troupes du M23, qui sont soutenues par [son] pays, d’arrêter cette escalade ».

« Mensonges éhontés à l’égard du Rwanda »

La réaction du Rwanda a été immédiate et sans équivoque. Le ministre des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, contacté ce vendredi par Le Point, a qualifié l’intervention de « comédie politique grotesque ». Pour le chef de la diplomatie rwandaise, ce forum économique pour parler du partenariat entre l’Union européenne et les pays en développement n’était « ni le lieu ni le moment » pour de telles accusations et des « mensonges éhontés à l’égard du Rwanda et du président Kagame ». Le ministre rwandais a affirmé que « le temps de la main tendue est révolu », rappelant que celle-ci avait déjà été acceptée lors des négociations de Washington qui ont abouti à un accord de paix le 27 juin dernier.

Manque de « volonté politique »

Le Rwanda accuse le président Tshisekedi de manquer de « volonté politique » pour appliquer cet accord. Il lui reproche la poursuite « des bombardements de la part des avions de chasse et des drones d’attaque du président et des FARDC contre les positions de l’AFC-M23, ce qui est en violation flagrante de l’accord de paix de Washington, et ce qui est plus grave, contre les villages Banyamulenge et des Congolais tutsis dans un contexte de discours de haine et de persécution contre les Congolais tutsis, notamment de la part des Wazalendo, cette milice criminelle créée par le gouvernement congolais ». Olivier Nduhungirehe dénonce également la présence de mercenaires colombiens en soutien de l’armée régulière congolaise et en remplacement des mercenaires roumains de jadis.

L’échec du cadre d’intégration économique à Washington

La tension palpable est la conséquence directe de l’échec d’une étape clé du processus de paix piloté par Washington : la signature d’un cadre d’intégration économique régional. Le 3 octobre, après une session de négociations, les délégations congolaise et rwandaise ont quitté les États-Unis sans signer le document, pourtant finalisé. Les versions sur les raisons de cet échec divergent radicalement. Pour la RDC, il était impossible de signer un tel accord alors que sa souveraineté territoriale n’est pas pleinement restaurée. Le ministre de la Communication, Patrick Muyaya, a ainsi affirmé que « la paix est la première condition » avant toute chose, Kinshasa justifiant son refus par le non-retrait des troupes rwandaises qui soutiennent le M23.

Pour le Rwanda, les délégations s’étaient mises d’accord sur chaque article du texte et devaient le parapher le lendemain. Selon le ministre Nduhungirehe, l’ordre de ne pas signer serait venu « du président Tshisekedi lui-même » qui aurait « appelé sa délégation pour leur donner l’ordre de ne pas signer ».

La communauté internationale à la manœuvre

Ce revers constitue un coup dur pour le processus diplomatique, alors que les combats s’intensifient dans l’est de la RDC, notamment dans le Sud-Kivu où le M23 continue de progresser. Face à ce risque d’enlisement, les initiatives se multiplient. Des émissaires américains tentent de maintenir le dialogue, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, aurait proposé une rencontre entre les deux présidents en marge du sommet, une offre restée sans suite pour l’instant. Dans ce contexte, l’annonce par l’UE d’un financement de 180 millions d’euros pour la RDC dans des domaines comme les transports, la biodiversité et l’exploitation minière durable apparaît comme un levier pour encourager la paix. Mais le fossé de méfiance entre les deux voisins semble aujourd’hui bien plus grand que les ponts que la communauté internationale tente de bâtir. Le Rwanda a posé sa condition : ses « mesures défensives » ne seront levées « que lorsque les génocidaires FDLR seront neutralisées », confirme le ministre.

Author: MANZI
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